Le futur des mangroves des îles carbonatées sans apport détritique : étude de la diagenèse précoce de sédiments des mangroves d'Ouvéa (Nouvelle-Calédonie)
Résumé
Les mangroves sont des écosystèmes côtiers essentiellement présents dans la zone intertropicale. Leur importance dans le fonctionnement de la Zone Critique n’est plus à démontrer, que ce soit vis-à-vis de leur capacité à représenter un puits de carbone majeur, leur rôle de zone tampon dans les transferts de matière entre les continents et océans ou leur influence sur la géomorphologie côtière. D’un point de vue géologique, leurs apports en matière organique (MO) ainsi que l’influence des palétuviers sur leur environnement immédiat (formation de sulfures, influence des acides organiques, formation de carbonates en parallèle à la minéralisation de la MO) fait que leur substrat est souvent considéré comme un sol, bien qu’il possède aussi toutes les caractéristiques d’un sédiment (apports réguliers de matière en surface, variations redox en fonction de la profondeur, formation de phyllosilicates et d’oxy- hydroxydes authigènes, présence de minéraux liés à l’évaporation). Un certain consensus a émergé dans la communauté scientifique autour de l’idée que ces différents processus, combinés à des apports détritiques réguliers, devraient permettre aux écosystèmes de mangroves de suivre " le pas " de la montée du niveau marin liée au réchauffement climatique. Mais qu’en est-il des mangroves développées sur des îlots récifaux et des anciennes plateformes carbonatées émergées sans apports terrigènes ? Cette étude a pour objectif de caractériser l’évolution du substratum des mangroves carbonatées en identifiant ses transformations liées à l’activité biologique et à la diagenèse précoce. La mangrove du nord d’Ouvéa, un atoll de Nouvelle-Calédonie directement impacté par la montée des eaux, a été sélectionnée à cet effet. Des carottes de sédiments de 30 à 50 cm, prélevées sous deux espèces de palétuviers (Rhizophora et Bruguiera) et dans des zones de la mangrove caractérisées par des tailles d’arbres différentes, ont été analysées. L’évolution géochimique et minéralogique de ces carottes a été déterminée via le croisement d’analyses sur roche totale et isotopiques ainsi que par diffraction de rayons-X et pétrographie. Les conditions physico-chimiques de ces environnements sont globalement peu favorables à la formation de carbonates. Toutefois, l’évolution minéralogique du substratum sous les petits palétuviers montre des précipitations et des variations de la proportion de ses principaux composés (aragonite/calcite et calcite magnésienne), de la surface vers la profondeur. Les grands arbres quant à eux favorisent des conditions environnementales plus hostiles aux carbonates, notamment les Bruguiera dont les carottes n’en présentent presque aucune trace. Les observations pétrographiques indiquent que malgré la cristallisation de carbonates néoformés, parfois sous forme de tapissages, et d’une quantité non négligeable de pyrites, notamment sous les Rhizophora, ces minéraux authigènes ne semblent pas compenser la perte de volume induite par la dissolution partielle des grains de carbonates, causant un affaissement global de la mangrove. Ces données sont confirmées par les analyses géochimiques et les tests de bilans de masse associés. La stabilité à long terme des mangroves se développant dans de tels contextes n’est donc pas assurée.
Origine | Fichiers produits par l'(les) auteur(s) |
---|