Stratégies d’acculturation, jugement et soutien social chez les immigrés : une approche intragroupe
Résumé
Peu d’études en France ont examiné l’impact des stratégies d’acculturation choisies par les
immigrés sur les relations intragroupes (pour une exception, voir Badea et al., 2015). En effet, la
plupart des travaux ont concerné beaucoup plus le point de vue du groupe majoritaire français en
identifiant les préférences acculturatives significativement liées aux préjugés et à la discrimination
envers les immigrés (p.ex., Roblain et al., 2016). Face à la perception d’un rejet par la majorité, les
immigrés peuvent chercher à trouver " refuge " ou " soutien " auprès d’autres personnes qui sont
membres de leur " communauté ". Ainsi, se confronter au rejet de la part de ses pairs, ou évoluer
de façon différente sur la base du choix d’acculturation, peut avoir autant d’importance que d’être
rejeté par la majorité, car les sources d’influence intragroupes peuvent parfois être plus fortes que
celles des exogroupes (Koch et al., 2020). Dans ce travail de recherche, nous avons souhaité
examiner l’impact des stratégies d’acculturation sur les rapports entre des immigrés issus du même
pays d’origine. Nous nous sommes focalisés sur l’assimilation et la séparation car ce sont deux
stratégies d’acculturation qui expriment un choix tranché entre la culture d’origine et la culture
d’accueil, impliquant ainsi l’abandon ou le maintien extrême de la culture d’origine (Berry, 2005).
Dans deux études interrogeant des immigrés malgaches (N = 111) et maghrébins (N = 106), un
portrait fictif d’immigré malgache ou maghrébin adoptant une stratégie d’assimilation ou de
séparation était présenté aux participants. Les participants devaient faire part de leur perception
stéréotypique de la cible (compétence, sociabilité, moralité) et de leur soutien à la cible. Leur propre
inclinaison envers les stratégies d’acculturation était mesurée. Les résultats ont révélé que les
immigrés qui choisissent l’assimilation sont perçus comme plus compétents et plus sociables,
surtout lorsque les participants eux-mêmes préfèrent cette stratégie. Les immigrés qui optent pour
la séparation sont perçus comme étant plus moraux (échantillon magrébin) et reçoivent davantage
de soutien social (les deux échantillons), comparés à ceux de la condition d’assimilation, surtout par
les participants qui ont fait un choix similaire d’acculturation. La discussion portera sur la nécessité
de prendre en compte le contexte idéologique lorsqu’on examine les rapports intragroupes des
immigrés.